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Article | 15/11/2000

Le GPS en géophysique

15/11/2000

Christophe Vigny

Laboratoire de géophysique, École normale supérieure, Paris.

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Les différentes applications du Global positioning System (GPS) en géophysique.


La tectonique des plaques mesurée par GPS

L'hypothèse de Wegener de la dérive des continents a été confirmée depuis une trentaine d'années par un nombre d'observations géophysique. Parmi celles ci, la plus flagrante est sans nul doute la découverte de l'existence de bandes dans les planchers océaniques, "marquées" par un champ magnétique dirigé alternativement vers le Nord et vers le Sud. Ces bandes, parallèles à la dorsale, proviennent de l'aimantation rémanente du champ magnétique terrestre, piégé dans les roches magnétiques au moment de leur refroidissement, c'est-à-dire peu après leur sortie de la dorsale. La polarité du champ terrestre s'inversant plus ou moins régulièrement au cours du temps, on obtient cette « peau de zèbre »,preuve de l'expansion des fonds océaniques et donc de la tectonique des plaques.

Des estimations de la vitesse de cette dérive des continents ont pu être produites à partir de la datation de ces bandes et de leur largeur.

L'inconvénient majeur de ces méthodes, c'est qu'elles ne fournissent qu'une estimation moyennée sur les temps géologiques. Les vitesses des déplacements présents pouvant être sensiblement différentes, il était indispensable de pouvoir mesurer la vitesse instantanée des déformations actuelles.

Parmi tous les outils géodésiques terrestres et spatiaux dédiés à cette tâche (théodolites et distance-mètres "classiques", VLBI, SLR, LLR, DORIS, ...), le GPS est particulièrement bien adapté à la mesure de la déformation dans une zone donnée. Grâce à sa précision, à son coût relativement faible, à sa facilité de mise en œuvre, à la possibilité qu'il offre de mesurer des points sans visibilité, il est possible de faire rapidement et à moindre coût un grand nombre de mesures sur une zone donnée.

Le principe est simple. Un point est matérialisé par un repère géodésique, en général une broche métallique enfoncée dans un affleurement rocheux solidement lié au substratum. À l'aide d'un trépied associé à un viseur optique, ou bien en boulonnant directement, il est possible de placer l'antenne GPS exactement à la vertical du centre du repère, à une hauteur déterminée. La mesure GPS de la position de l'antenne fournit alors la position du repère. Il suffit de mesurer à nouveau la position de ce repère quelques temps après pour détecter un déplacement et en déduire une vitesse.

La déformation dans une zone considérée est donnée par la mesure des déplacements d'un certain nombre de points répartis sur la zone considérée. Cet ensemble de points constitue un réseau géodésique.


En pratique, compte tenu de l'obligation de faire des mesures différentielles et de l'obligation de faire des mesures suffisamment nombreuses et durant assez longtemps, il est nécessaire de mesurer les points du réseau simultanément pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Typiquement on effectuera une mesure toutes les 30 secondes, pendant 3 jours, sur tous les satellites visibles à chaque instant.

Cela représente une moyenne de 30.000 à 40.000 mesures par point. Évidemment, le temps de mesure est conditionné par la précision requise. Pour une précision de quelques centimètres, il sera suffisant de mesurer pendant une durée de l'ordre de l'heure.



Résultats apportés par les données GPS. Mouvements des 12 plaques.

Autres applications

Le GPS est un formidable outil de positionnement, et le simple fait de pouvoir mesurer la position d'un point à la surface de la Terre avec une très grande précision ouvre la voie à grand nombre d'applications.

La surveillance d'une faille active

Les Américains furent les premiers à envisager l'application du système GPS à la géophysique. L'une des préoccupations majeure des pouvoirs publics en la matière est l'étude du risque sismique en Californie. Dans cette région du monde, le coulissement de deux plaques tectoniques le long de la faille de San Andrea provoque régulièrement des séismes dévastateurs, comme ceux de San Francisco et Los Angeles dernièrement. En mesurant la positions de points répartis de part et d'autre de la faille, et les mouvements de ces points au cours du temps, il est possible de cartographier celle ci précisément. L'analyse de la déformation de la surface du sol dans la région de la faille donne des informations sur la profondeur de la fracture, la longueur des segments actifs, les zones où le risque de séisme est le plus important, etc.

D'autre part, après un séisme, la mesure GPS donne accès au déplacement total du sol occasionné par celui-ci. Cette information est particulièrement utile pour la compréhension des mécanisme fondamentaux de la rupture sismique. Enfin, il est même possible de mesurer la position de points GPS pendant un séisme. En calculant la position du point à chaque mesure, on peut littéralement voire le point se déplacer pendant les quelques dizaines de secondes que dure le tremblement de Terre. Si ces points sont bien répartis, on peut également voire la rupture se propager le long de la faille. Là encore, toutes ces informations permettent d'analyser la propagation des ondes sismiques, et les mouvements de la surface qui en résultent. Ce type de réseau est maintenant mis en place autour d'un grand nombre de failles actives de part le monde : au Japon, en Indonésie, en Birmanie, ou encore en Turquie.

La déformation des volcans

De la même façon, il est possible de surveiller la déformation du cône d'un volcan en activité. Avec quelques points GPS judicieusement placés et mesurés en continu, on peut suivre jour après jour les déformations dues à la monté de lave. Ces mesures sont utiles aux volcanologues pour quantifier les phénomènes associés à une éruption. On peut également imaginer acquérir un pouvoir de prédiction, une fois ces phénomènes bien connus. Actuellement, de telles mesures sont en cours sur différents volcans tels que l'Etna, le Piton de la Fournaise en Martinique, la Soufrière en Guadeloupe, ou le Merapi en Indonésie.

Le rebond post-glaciaire et ses implications sur le changement global

Depuis un certain nombre d'années on sait que le niveau des mers est actuellement en constante, bien que très faible, augmentation (quelques millimètres par an au plus). Comme cette élévation se conjugue avec des mouvements verticaux des continents du même ordre de grandeur (voire plus importants), cette montée des mers est très difficilement mesurable.

L 'hypothèse a été émise que l'origine de cette montée provienne de la fonte de la calotte glaciaire antarctique, liée au réchauffement global de la planète. Les conséquences d'une telle perte d'eau sont mesurables. En effet, si la masse de la calotte polaire diminue, le continent qui la soutient monte au fur et à mesure que sa charge diminue (rééquilibrage isostasique).

C'est le phénomène du rebond post-glaciaire bien connu en Europe du Nord ou au Canada. Il est parfaitement possible de mesurer par GPS une surrection du continent antarctique. De telles mesures, bien que très difficiles ont déjà commencé (Antarctique).

Les résultats préliminaires sont impressionnants. Les mouvements verticaux enregistrés pendant 4 ans confirment l'existence d'un rebond visqueux sur l'ensemble du continent antarctique. Ils indiquent surtout la présence de rebond élastique sur la pointe de la péninsule, confirmant par là les observations des glaciologues sur l'accélération récente de la fonte de la calotte Ouest Antarctique.

Les enjeux de ce dernier point sont particulièrement importants, puisque la fonte totale de la partie Ouest de la calotte implique une augmentation du niveau des mers de plus de 6 m.

La mesure du géoïde

À cause des anomalies de densité et de forme de la planète, le champ de gravité de la Terre n'est pas celui d'une sphère homogène aplatie aux pôles. Au contraire il présente des maxima et des minima suivant que les roches en surface et en profondeur sont plus ou moins denses, et le relief plus ou moins accentué. Là où la surface terrestre est couverte par les océans, l'eau liquide s'amasse librement là où la gravité est la plus forte, pour s'équilibrer à un niveau où la gravité est constante. La surface ondulée ainsi créée s'appelle le géoïde.

Bien entendu, le géoïde existe également à la surface des continents, bien qu'il ne soit pas matérialisé par la présence de l'eau. La connaissance du géoïde est de première importance en géophysique. En effet, le champ de gravité est affecté entre autres par les masses profondément enfouies dans le manteau terrestre. L'étude des anomalies du géoïde fournit donc une indication sur la composition de l'intérieur de la Terre, alors que les forages les plus profonds ne dépassent guère les 10 km. Au-dessus des océans, le géoïde est connu grâce aux satellites altimétriques qui mesurent tout simplement les variations dans l'espace de la hauteur de la surface moyenne de l'eau (abstraction faite des vagues et des marées). Toutefois, et justement parce qu'il n'est pas matérialisé au-dessus des surfaces solides, le géoïde continental reste difficile à mesurer. Or le GPS, parce qu'il a comme référence des satellites qui orbitent par rapport au centre de masse de la Terre, donne la position d'un point dans ce référentiel. C'est-à-dire que l'on connaît la distance entre un point GPS et le centre de la Terre. Il suffit alors de connaître l'altitude de ce point (c'est-à-dire la hauteur par rapport au niveau des mers), et la différence entre les deux est tout simplement le géoïde.

À courte longueur d'onde, les ondulations du géoïde donnent accès à la topographie du fond des océans.