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Article | 19/03/2009

Dégagement de méthane sur Mars, connaissances terrestres et hypothèses martiennes

19/03/2009

Pierre Thomas

Laboratoire de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Du méthane dans l'atmosphère de Mars, observations et origines potentielles.


Il y a bien sûr les robots qui continuent à explorer Mars depuis le sol, ainsi que des sondes en orbite qui fonctionnent encore. Mais des études sont aussi menées depuis la Terre par les télescopes. Cet article va résumer l'un des derniers résultats majeurs obtenus sur Mars, et obtenu, une fois n'est pas coutume, grâce à ces études terrestres : on a trouvé des dégagements de méthane (CH4) sur Mars.

Références de l'article original de Science du 20 février 2009 :

M.J. Mumma, G.L. Villanueva, R.E. Novak, T. Hewagama, B.P. Bonev, M.A. DiSanti, A M. Mandell, M.D. Smith. 2009. Strong Release of Methane on Mars in Northern Summer 2003. Science, vol 323, 1041-1045 doi: 10.1126/science.1165243

Du méthane sur Mars

Un article, co-signé par M.J. Mumma, G.L. Villanueva, R.E. Novak, T. Hewagama, B.P. Bonev, M.A. DiSanti, A M. Mandell, et M.D. Smith, et publié dans le « Science » du 20 février 2009, fait état de dégagements de méthane sur Mars, dégagements détectés depuis la Terre. L'utilisation sur trois années martiennes (7 années terrestres) de spectromètres infra-rouge à haute dispersion sur trois télescopes terrestres a permis de mettre en évidence des dégagements simultanés de méthane et de vapeur d'eau à partir de régions localisées, où ils semblent former des panaches étendus. Ces dégagements semblent saisonniers (estivaux). Le panache principal contiendrait 19 000 tonnes de méthane en milieu d'été. Rappelons les composants majeurs de l'atmosphère martienne : CO2 : 95.3%, N2 : 2.7%, Ar : 1,6%, O2 :0.13%, CO : 0.07% et H2O (vapeur) :0 à 300 ppmv selon la température (1 ppmv = 1 partie pour million en volume). Le méthane n'avait jamais été détecté avec une certitude absolue, bien que des données antérieures mais à la limite de la sensibilité des détecteurs aient été fournies par Mars Express.

Rappelons aussi que le méthane n'est pas stable dans l'atmosphère martienne, car il est « rapidement » photolysé par les rayonnements ultra-violets solaires. Sa durée de vie n'est que de quelques siècles, et sans doute même moins en présence des 0,13% d'O2 atmosphérique et des peroxydes du sol (comme le perchlorate) qui le transforment rapidement en CO2. Si du méthane est présent aujourd'hui au-dessus de certaines régions, c'est qu'il y est actuellement dégagé.

D'après les auteurs de l'article, ce méthane détecté au-dessus du principal panache correspondrait à un dégagement de 0,6 kg.s-1, soit environ 840 L.s-1 (dans les conditions de P et T terrestres), ce qui correspond à environ 100 m3.s-1 aux conditions martiennes. C'est loin d'être négligeable.

Spectres montrant les raies d'absorption du méthane et de de la vapeur d'eau dans l'atmosphère martienne

Figure 1. Spectres montrant les raies d'absorption du méthane et de de la vapeur d'eau dans l'atmosphère martienne

Les graphes B et C correspondent, respectivement, à des données acquises le 20 mars 2003 et le 19 mars 2003. Dans les deux cas, on note que les raies d'absorption sont plus marquées pour les moyennes latitudes de l'hémisphère Nord.


D'après cet article de « Science », il y aurait trois principales régions de dégagement de méthane, régions relativement voisines. Dans les trois cas, les sols et sous-sols de ces régions semblent riches en hydrogène et/ou en composés volatils (données de Mars Odyssey), ou en minéraux hydroxylés (données spectrales de MRO). Si l'une d'elle (Terra Sabae) ne semble constituée que de terrains anciens (Noachien) sans particularité morphologique notable, les deux autres régions sont bien particulières : l'une d'elle (Syrtis Major) correspond à un volcan relativement « récent » (3,1 à 3,6 Ga d'après les courbes de cratérisation les plus utilisées), et l'autre (Nili Fossae) est une région de fossés tectoniques. Il semble donc y avoir une certaine corrélation entre ces dégagement de méthane, des régions avec des marqueurs de présence d'H2O et des régions à activité géologique « récente » notable.

Cartographie des teneurs en méthane des trois régions correspondant aux dégagements de méthane sur Mars

Figure 2. Cartographie des teneurs en méthane des trois régions correspondant aux dégagements de méthane sur Mars

À gauche, il s'agit d'une carte des teneurs en méthane superposée à une carte topographique. À droite, il s'agit d'une carte géologique (Greeley et Guest, 1987) avec la localisation des trois panaches et le report des caractéristiques chimiques déterminées par Mars Odyssey et MRO vis à vis des volatils. "Npld" et "Nple" indiquent un âge noachien pour les terrains (> 3,6 Ga). Le volcan Syrtis Major est d'âge hespérien ("Hs", âge compris entre 3,1 et 3,6 Ga).


Carte topographique de Mars montrant le volcan Syrtis Major et les fossés de Nili Fossae

Figure 3. Carte topographique de Mars montrant le volcan Syrtis Major et les fossés de Nili Fossae

Syrtis Major et les fossés de Nili Fossae sont deux des trois régions où auraient lieu les dégagements de méthane observés sur Mars.


Image Google Mars (500 km de large) montrant la région de Syrtis Major

Figure 4. Image Google Mars (500 km de large) montrant la région de Syrtis Major

Syrtis Major est un volcan relativement « récent » et l'une des régions où se dégage du méthane d'après Mumma et al., 2009.


Image Google Mars (500 km de large) montrant la région de Nili Fossae

Figure 5. Image Google Mars (500 km de large) montrant la région de Nili Fossae

Nili Fossae est une région tectonisée avec de nombreuses failles et l'une des régions où se dégage du méthane d'après Mumma et al., 2009.


La question qui se pose immédiatement est : quelle est l'origine de ce méthane martien ? Et avant de poser cette question pour Mars, il nous faut étudier l'origine du méthane sur Terre.

Le méthane sur Terre

Le méthane terrestre est bien étudié depuis quelques années, car c'est l'un des principaux gaz à effet de serre (GES).

Sur Terre, le méthane peut provenir de deux mécanismes :

  • soit être produit et dégagé directement par des processus géologiques ou biologiques dits « primaires »,
  • soit provenir de la déstabilisation « secondaire » de clathrates (mélanges glacés d'H2O et de CH4), eux-mêmes provenant de la réaction entre de l'eau et du méthane, méthane provenant d'un mécanisme « primaire ».

Les clathrates ne sont alors qu'une étape de stockage provisoire du méthane [nH2O + CH4 → n(H2O)CH4 = clathrates → nH2O + CH4]. Les clathrates sont stables à basse température et/ou relativement haute pression. Ils sont extrêmement abondants dans deux types de sites : les sédiments marins situé sous plus de 1000 m d'eau, et dans les permafrosts de Sibérie, d'Alaska…

Figure 6. Diagramme P(ression) - T(empérature) montrant le champ de stabilité des clathrates

Les clathrates sont stables quand la température est suffisamment basse ou la pression suffisamment forte (en haut à gauche).


Figure 7. Petit monticule de clathrates (avec léger dégazage) photographié par 4000 m de fond dans le Golfe du Mexique

Ce monticule de quelques mètres de diamètre a une couleur « bleutée » caractéristique de la glace. Une abondante vie existe autour de ces zones de dégagement de méthane et autres hydrocarbures. En effet des bactéries hétérotrophes utilisent ces hydrocarbures comme source de carbone réduit qu'elles oxydent (respiration aérobie) grâce à l'O2 dissout dans l'eau de mer. Ces bactéries sont à la base d'une chaîne alimentaire complexe, ce qui explique l'abondance (par 4000 m de fond) d'organismes macroscopiques visibles tout autour de l'affleurement de clathrates.


Mais quels sont les mécanismes primaires de production du méthane sur Terre. Deux sources sont bien connues (1) le cracking thermique et (2) les fermentations et réactions méthanogènes d'associations bactériennes ; mais il en existe au moins deux autres moins connues mais fondamentales : (3) l'altération à HT de roches riches en Fe2+ et (4) l'action de bactéries endogées chimiolithotrophes.

(1) Le cracking thermique des macro-molécules organiques a lieu lors de la diagénèse de la matière organique et de la genèse des roches carbonées. C'est là l'origine du gaz naturel utilisé tant pour les besoins de l'industrie que pour les usages domestiques (gaz de ville). C'est aussi l'origine du grisou, qui correspond à du méthane produit par cracking, adsorbé par le charbon et qui se dégaze quand celui-ci est mis à la pression atmosphérique par ouverture des galeries de mines. Le grisou est la terreur des mineurs de charbon car il est à l'origine d'explosions redoutables.

Documents d'époque relatant le coup de grisou de Courrières en 1906

Figure 8. Documents d'époque relatant le coup de grisou de Courrières en 1906

Cette catastrophe, la plus grande catastrophe industrielle de France (bilan officiel 1099 morts) fut sans doute due à un « coup de poussière », lui-même déclenché par un coup de grisou. Les coups de grisou font actuellement des centaines de morts par an en Chine, pays où la sécurité du travail n'est pas une préoccupation majeure. Ce cracking thermique est également à l'origine des dégagements naturels de méthane associés aux gisements d'hydrocarbures (par exemple Puy de la Poix, Los Angeles, fontaines ardentes)...


Dans tous ces cas, il s'agit d'un processus « minéral » qui transforme en méthane des macro-molécules d'origine biologique. Le cracking thermique de la matière organique des sédiments est à l'origine d'une fraction notable des clathrates des sédiments marins.

(2) Les fermentations et réactions « méthanogènes » qui ont lieu

  • dans les marécages et tourbières,
  • dans les sédiments riches en matière organique et subissant ce qu'on appelle la diagénèse précoce et qui est en fait une « diagénèse bactérienne »,
  • dans le tube digestifs des ruminants, des termites...

Il s'agit là, en général, d'associations de plusieurs types de bactéries, les unes produisant, par fermentation, de l'hydrogène, H2 et du CO2, et les autres utilisant ces produits pour produire leur énergie chimiolithotrophe, [CO2 + 4H2 → CH4 + 2H2O (∆G0' = - 135 kJ/mol)], base de leurs synthèses organiques.

L'équation globale de la somme de toutes ces réactions réalisées par ces associations bactériennes peut s'écrire sous la forme schématique : C6H12O6 (glucose) → 3 CH4 + 3 CO2.

Du méthane dans le marais poitevin

Figure 9. Du méthane dans le marais poitevin

En remuant la vase de fond d'un marécage, il est possible d'enflammer les émanations de gaz combustibles, constituées surtout de méthane, comme on le voit entre le coude et le genou du personnage.


Les fermentations méthanogènes, associées au cracking thermique, sont à l'origine d'une partie des clathrates des sédiments marins.

(3) L'altération à haute température de roches contenant du Fe2+, en particulier la serpentinisation des péridotites, est un processus bien moins connu (à tort), purement minéral et s'accompagne de . Il s'agit de réactions accompagnant l'altération Haute Température des roches contenant du Fe++, et s'accompagne de formation de méthane.

Cette serpentinisation a lieu au voisinage des dorsales sous les 5 à 7 km de croûte gabbro-basaltique « standard », mais aussi, et même surtout, quand l'hydrothermalisme océanique a lieu sur des fonds péridotitiques et non pas basaltiques. Les eaux chaudes réagissent avec les silicates et forment des minéraux hydratés, et en particulier avec les olivines pour donner des serpentines.

Dans ces réactions, le Fe2+ des silicates est tout ou partiellement oxydé par H2O pour donner du Fe3+. Or, si les olivines contiennent du Fe2+ (en général 10% de Fe2+ pour 90% de Mg2+), la serpentine n'en contient pas (ou bien moins) [Mg3Si2O5(OH)4].

Le fer est alors libéré sous forme de magnétite (Fe3O4 = Fe2O3,FeO), avec libération simultanée d'hydrogène :

  • 2 FeO(dans olivine) + n H2O → Fe2O3(dans magnétite) + Mg3Si2O5(OH)4(serpentine) + m H2.

L'hydrogène peut alors réagir avec le CO2 dissous dans l'eau pour donner des hydrocarbures, dont principalement le méthane, le plus simple des hydrocarbures :

  • CO2 + 4 H2 → CH4(méthane) + 2 H2O, et aussi 2 CO2 +7 H2 → C2H6(éthane) + 4 H2O, … etc

Ce type d'hydrothermalisme sur fond océanique péridotitique est bien connu dans plusieurs sites atlantiques (Voir les « fiches Ifremer » de la campagne Serpentine , en particulier la fiche 8 sur la serpentinisation)

Ce genre de réactions, bien connues des industriels sous le nom de réactions de type Fischer-Tropsch, peut conduire, en présence de catalyseurs comme le nickel, le cobalt ou le chrome, à des macro-molécules organiques linéaires ou aromatiques. Ce type de réactions, se produisant à haute pression et haute température, montre qu'il est possible de synthétiser des molécules organiques d'origine abiotique à partir d'eau, de CO2 et des minéraux présents dans le manteau terrestre. Il s'agit là d'un des sites possibles à l'origine des molécules dites « prébiotiques ».

(4) Quand il y a des réactions minérales exothermiques (pouvant libérer de l'énergie, c'est à dire avec un ΔQ négatif), très souvent des bactéries chimiolithotrophes font ces réactions exothermiques par voie enzymatiques à (relativement) basse température pour en retirer l'énergie nécessaire à leur synthèse organique. Des bactéries peuvent donc utiliser certaines (voire l'ensemble) des réactions de type 3 pour produire l'énergie nécessaire à leur synthèse organique (chimiosynthèse), le méthane étant alors un sous-produit de ces réactions. Cette action bactérienne peut se résumer par :

  • x Fe2+(dans minéraux) + y.H2O + z.CO2 → x Fe3+(dans minéraux) + z.CH4 +...+ ΔQ négatif.

Ce type de réactions, tout ou partie provoquées par des bactéries dites « endogées », a été découvert dans des carottes océaniques basaltiques (à 1000 m de profondeur dans le basalte, lui-même foré sous plus de 2000 m d'eau), dans des carottes de basaltes continentaux à plus de 1500 m de profondeur, dans des roches situées à plus de 3500 m de profondeur dans certaines mines d'or d'Afrique du Sud..., et bien sûr dans les systèmes hydrothermaux océaniques.

Les réactions de type (3) et (4) sont particulièrement étudiées dans les sites hydrothermaux comme les sites atlantiques « Lost City » et « Rainbow », où il y a vraisemblablement à la fois des réactions minérales à haute température, et de la méthanogénèse bactérienne à plus basse température.

Figure 10. Source hydrothermale dégageant eau chaude (70°C), méthane et di-hydrogène, Lost City (océan Atlantique)

Les eaux qui sortent ont une température tout à fait compatible avec une activité bactérienne. Les réactions à l'origine de ces dégagements de CH4 peuvent être minérales (3) ou biologiques (4) et vraisemblablement les deux. L'altération des silicates, outre la production de CH4 et H2, libère aussi des ions Ca2+ et Mg2+ qui précipitent sous forme de concrétions blanchâtres de carbonates visibles au premier plan.


Schéma simplifié résumant les principaux mécanismes de production et de dégagement de méthane sur Terre

Figure 11. Schéma simplifié résumant les principaux mécanismes de production et de dégagement de méthane sur Terre

Le dégagement peut être direct (flèche de gauche) ou indirect (flèche de droite), dans le cas d'une transformation/stockage réversible en clathrates. La production peut avoir au moins quatre types d'origines différentes. Les mécanismes biologiques sont encadrés en vert, les mécanismes minéraux sont encadrés en beige. De gauche à droite, avec la même numérotation que le texte ci-dessus, on peut avoir (1) le cracking thermique des macro-molécules organiques lors de la diagénèse, (2) les « fermentations méthanogènes », (3) les réactions minérales comme la serpentinisation et (4) les bactéries endogées méthanogènes des systèmes hydrothermaux et autres sites. La taille des rectangles et des flèches n'a aucun rapport avec l'importance quantitative des mécanismes et flux mis en jeu. La hausse actuelle de la température terrestre favorise les fermentations méthanogènes des zones marécageuses et la déstabilisation des clathrates, ce qui libère du méthane et augmente d'autant l'effet de serre et la hausse des températures. Un des effet « boule de neige » des gaz à effet de serre !


Origine du méthane sur Mars

La saisonnalité des dégagements, proposée par Mumma et al., 2009 (Science), suggère fortement que ces dégagements proviennent de la déstabilisation de clathrates par les « hautes » températures estivales. Les clathrates devraient en effet être relativement stables dans les conditions de sub-surface martiennes : basse température et pression suffisamment forte dès que l'on s'enfonce sous la surface (pression lithostatique).

Cela reporte le problème et pose la question suivante : quelle est l'origine du méthane qui a été (provisoirement) stocké sous forme de clathrates ? Si on se réfère aux mécanismes usuels terrestres, un seul peut être formellement exclu : des associations bactériennes associant fermentation et méthanogénèse dans les tubes digestifs de ruminants ou organismes voisins.


Plus sérieusement, toutes les autres origines sont théoriquement possibles. Les origines (1) et (2), cracking et fermentations méthanogènes, font intervenir la dégradation inorganique ou biologique de grandes quantités de matière organique pré-existante, qu'il faudrait donc avoir synthétisé avant. Cette hypothèse n'est actuellement sous-tendue par aucun indice.

Les origines (3), serpentinisation, et (4), chimiolithotrophie par bactéries endogées ou hydrothermales, ne nécessitent pas de grandes quantités de matière organique préexistantes et impliquent toutes deux des réactions actuelles ou anciennes entre de l'eau liquide, du CO2 et des silicates contenant du Fe2+. Silicates contenant du Fe2+ et CO2 ne manquent pas sur Mars ; reste le problème de l'eau liquide et de sa circulation. Or, deux des trois sites d'où se dégage le méthane martien sont soit volcaniques, soit affectés par des failles, cadres géologiques a priori favorable à la circulation d'eau en profondeur.

De plus, des carbonates (de magnésium), issus de l'altération de l'olivine viennent pour la première fois d'être découverts spectralement depuis une orbite martienne par la sonde MRO (figure 13 et article à paraître). Si on reporte les zones de dégagements de méthane sur la carte localisant ces carbonates, une certaine proximité géographique semble se dégager. L'altération de l'olivine produisant directement du carbonate de magnésium et produisant indirectement du méthane par les mécanisme (3) ou (4) expliquerait cette proximité.

Figure 13. Localisation des zones de dégagement martien de méthane (cercles rouges) et des seuls affleurements de carbonates (de magnésium) identifiés à ce jour (décembre 2008) depuis l'orbite martienne (cercles verts)

Un certain voisinage semble se dégager. L'altération de l'olivine produisant indirectement du méthane par les mécanisme (3) ou (4) expliquerait cette proximité.


Dans l'état actuel des données, cette production de méthane due à l'altération des olivines et autres minéraux contenant du Fe2+ par de l'eau liquide et du CO2 semble le mécanisme le plus vraisemblable. Plusieurs grandes questions se posent alors si on admet cette hypothèse.

  • Combien de temps des clathrates peuvent-ils stocker du méthane dans le sous-sol de Mars ? Ce qui revient à poser le problème de l'âge de cette production, c'est-à-dire l'age de cette circulation d'eau liquide chargée de CO2 dans des silicates contenant du Fe2+. Est-ce une production actuelle ou sub-actuelle, ou une production fossile stockée et en cours de déstockage ? Si c'est une production actuelle ou sub-actuelle, cela signifie des circulations d'eau chaude (liquide) en profondeur aujourd'hui. Mars ne serait alors pas si « éteint » qu'on le suggère généralement.
  • S'il s'agit du déstockage d'une production fossile, quel est l'âge de cette production fossile ? Si on suppose que cette production date de l'époque du dernier épisode volcanique régional (l'Hespérien), que l'Hespérien a bien l'âge que lui donne les courbes usuelles de cratérisation (de 3,1 à 3,6 Ga), et que le flux actuel de méthane est constant depuis cette époque, cela donne un dégagement total cumulé d'environ 1017 kg de méthane, donc un stock initial supérieur à 1017 kg de méthane sous forme de clathrates (105 gigatonnes de méthane !). 1017 kg de méthane, c'est colossal, cent fois plus que l'ensemble des réserves prouvées exploitables terrestres de charbon+pétrole+gaz ! L'énormité de ce chiffre (si on admet les chiffres proposés par l'article de Science) plaide pour un cycle, avec production et destruction de méthane, ayant continué longtemps après l'Hespérien, et non pas un déstockage irréversible d'une réserve hespérienne . Cela repose la question de l'âge de la fin de l'activité interne de Mars, vraisemblablement largement postérieure à l'Hespérien. Ce rajeunissement de l'activité interne martienne est fortement suggéré depuis quelques années (voir Nouvelles de Mars, mars 2005 et Mars Express 2005).
  • Cette production est-elle (a-t-elle été) purement minérale et abiotique, ou en partie biologique ?

Affaire à suivre !