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Article | 13/06/2007

Le Kaiserstuhl et ses carbonatites

13/06/2007

José Honnorez

CGS / EOST, Strasbourg

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Le Kaiserstuhl : contexte de mise en place, roches rencontrées dont les fameuses carbonatites, ici sodi-potassiques.


Contexte géographique

Le Kaiserstuhl (littéralement, le "trône de l'empereur") est un volcan dont l'âge remonte au Miocène, c'est-à-dire qu'il a de 16 à 18 millions d'années. Il est situé presque au milieu du fossé rhénan, en Allemagne, entre Colmar et Freiburg.

Vue panoramique du Kaiserstuhl

La Kaiserstuhl appartient à la grande province éruptive d'Europe Centrale de l'ère tertiaire qui comprend le Hegau (près de Freiburg), le Vogelsberg et le Rhon (au Nord-Est, en Hesse) et, plus loin au Nord, l'Eifel et le Siebengebirge, en Rhénanie.

En fait, avant d'être érodé, le Kaiserstuhl était un centre éruptif qui devait être composé de plusieurs petits volcans. Dans ce cas, il serait plus correct de parler de “complexe éruptif” que de volcan tout court.

Carte des centres volcaniques du graben du Rhin

Figure 2. Carte des centres volcaniques du graben du Rhin

En rouge sont représentés les divers centres éruptifs. La ligne en tireté délimite le soulèvement de la région rhénane défini par les rivages de la mer au Crétacé supérieur. Barre d'échelle = 80 km.


Le Kaiserstuhl a une forme elliptique dont le grand axe (NE-SW) a 16 km et le petit axe (NW-SE) 12 km. Son altitude maximum est atteinte au Totenkopf avec 557 m, soit 270 m au-dessus du niveau moyen de la plaine rhénane qui l'entoure.

Les trois quarts de la surface du Kaiserstuhl sont couverts d'un épais manteau de loess mais le quart restant qui affleure permet d'étudier des roches très intéressantes, parfois exceptionnelles. Le Kaiserstuhl est essentiellement formé de roches volcaniques ou subvolcaniques. Ces dernières sont des laves qui n'ont pas fait éruption en surface mais se sont mises en place sous forme de filons dans des roches pré-existantes ; elles affleurent aujourd'hui, dégagées par l'érosion.

Les roches éruptives du Kaiserstuhl

La plupart des roches du Kaiserstuhl sont des laves dites "alcalines" qui sont accompagnées de roches tout à fait spéciales parmi lesquelles les plus célèbres sont les carbonatites.

Le nom de roches éruptives "alcalines" signifie que ces roches sont riches en alcalis : de 2,16% à 6,93% de soude (Na2O) , de 0,83 à 6,37% de potasse (K2O), et comparativement pauvres en silice (de 40 % à 56% de SiO2). Les carbonatites ne contiennent que de 0,28% à 5,07 % de silice (SiO2).

Trois types de roches éruptives ont été décrites pour la première fois ici qui portent le nom de villages ou lieux-dits du Kaiserstuhl. Ce sont la limburgite (du Limberg), la mondhaldeite (de Mondhalde) et la bergalite (de Oberbergen). Ces deux dernières sont des roches sub-volcaniques, c'est-à-dire que leur laves n'ont pas atteint la surface de la Terre mais qu'elles se sont mise en place sous celle-ci, et forment des filons en intrusion dans les roches pré-existantes.

Les filons de roches sub-volcaniques intrusives au coeur du Kaiserstuhl, aux environs d'Oberbergen

Les roches éruptives du Kaiserstuhl peuvent être classées en deux grands groupes :

  • Les roches de la famille des phonolites qui, en plus de phonolites à haüyne et des phonolites à leucite, comprennent les tinguaïtes et les ledmorites.
  • Les roches de la famille des téphrites qui en plus des téphrites à leucite, comporte la néphélinite à olivine, la limburgite (basanite), l'essexite et la théralite, enfin la mondhaldeite. Les roches de cette famille occupent la plus grande surface au Kaiserstuhl.
Carte schématique des roches éruptives du Kaiserstuhl après avoir enlevé la couverture de loess

Les carbonatites du Kaiserstuhl

La plus fascinante des roches du Kaiserstuhl est la carbonatite parce que, comme sont nom l'indique, elle est formée à plus de 95% par un minéral appelé la calcite qui est un carbonate de chaux et, par conséquent, ne contient que très peu de silice ( à 0,3 à 5 %) contrairement à toutes les roches éruptives.

C'est le même minéral qui forme les calcaires et les marbres mais ces roches là sont soit d'origine sédimentaire, soit d'origine métamorphique, c'est à dire provenant de la transformation de sédiments suite à une augmentation de température et de pression.

Pendant très longtemps, les carbonatites du Kaiserstuhl ont été interprétées comme des marbres résultant du métamorphisme de roches sédimentaires calcaires "cuites" au contact des magmas qui nourrissaient le volcan.

Maintenant, nous savons que les carbonatites du Kaiserstuhl sont des roches éruptives, ce qui veut dire qu'elles résultent de la cristallisation par refroidissement d'un magma liquide qui s'est écoulé à la surface de la Terre ou s'est mis en place (on dit qu'il a fait intrusion) près de celle-ci.

Ancienne vue du flanc Sud du Badberg (435 m d'altitude) au coeur du Kaiserstuhl

Figure 5. Ancienne vue du flanc Sud du Badberg (435 m d'altitude) au coeur du Kaiserstuhl

Briques "M" = carbonatites. Pointillés espacés "Ph" = phonolites. Quadrillé = essexites. T = tinguaïtes. B = bergalites. L = ledmorites. Tout le reste (sans figuré) est principalement du loess.

Les carbonatites sont présentées comme des « marbres de métamorphisme de contact ».


Carte géologique du Badberg au cœur du Kaiserstuhl

Figure 6. Carte géologique du Badberg au cœur du Kaiserstuhl

Orange "Ca" = carbonatites. Rouge "Ph" = phonolites. Cartes géologiques du BRGM au 1/50 000.


Vue du flanc Sud du Badberg au cœur du Kaiserstuhl avec habillage géologique

Figure 7. Vue du flanc Sud du Badberg au cœur du Kaiserstuhl avec habillage géologique

Orange "Ca" = carbonatites. Rouge "Ph" = phonolites. Cartes géologiques du BRGM au 1/50 000.

À comparer à la vue dessinée ci-dessus.


Des roches semblables sont trouvées dans le fossé d'Oslo qui a beaucoup de points communs avec le fossé rhénan mais il est beaucoup plus vieux que le Kaiserstuhl.

Il existe même un volcan actif, l'Oldoinyo Lengaï, en Tanzanie, dont les laves sont aussi des carbonatites mais, cette fois-ci, il s'agit surtout de carbonates de soude (natro-carbonatites). Les carbonatites du Kaiserstuhl apparaissent tardivement dans la formation du complexe volcanique. Elles sont associées à la bergalite.


Séquence des évènements éruptifs du Kaiserstuhl

  1. Formation d'un vaste cône téphritique sur les sédiments tertiaires du fossé rhénan.
  2. Intrusions des roches subvolcaniques à plus gros grains (surtout essexites et ledmorites) et de dômes phonolitiques dans le cône téphritique.
  3. Nombreux filons de laves dans les roches subvolcaniques surtout au centre du complexe du Kaiserstuhl.
  4. Mise en place des carbonatites par intrusion dans le centre du complexe volcanique.
  5. Les roches volcaniques les plus jeunes sont les limburgites, les néphélinites à olivine et les théphrites finales qui forment un petit volcan "parasite" au Limberg.
Les fameux afffleurements de llimburgite, à l'Ouest du Limberg, complexe du Kaiserstuhl

Figure 9. Les fameux afffleurements de llimburgite, à l'Ouest du Limberg, complexe du Kaiserstuhl

Il s'agit de trois coulées de laves appelées λ1, λ2 et λ3, (en pourpre), recouvertes de sédiments (marnes et grès sableux, en blanc) d'âge miocène, eux-mêmes recouverts de lœss. En rouge, un tuff de néphélinite à olivine contenant des bombes volcaniques.

Ces coulées de lave et tuff ont été émis par un petit volcan « parasite » du volcan principal du Kaiserstuhl à la fin de l'activité de ce centre éruptif.


Pourquoi un volcan s'est-il formé justement là, entre Colmar et Freiburg ?

La géophysique nous apprend que la surface de Mohorovicic qui sépare le manteau de la Terre de la croûte de celle-ci ne se trouve qu'à 24 km sous l'ancien volcan, contre en moyenne 30 km sous les continents "stables". Or c'est du manteau de la Terre que proviennent les magmas qui ont donné naissance aux laves qui ont construit le volcan du Kaiserstuhl.

Carte de la profondeur (en km) de la discontinuité de Mohorovocic sous le Kaiserstuhl

Figure 10. Carte de la profondeur (en km) de la discontinuité de Mohorovocic sous le Kaiserstuhl

Le Moho est la limite entre croûte et manteau terrestres.


Environ une trentaine d'affleurements de roches volcaniques alcalines existe autour du Kaiserstuhl. Ces roches forment des petits affleurements sur les deux bords du Sud du fossé rhénan. En France, notamment à Trois Épis et Le Valtin (mélilitites à néphéline), Orbey, Riquewihr, Tannenbach et Vordermarbach (néphélinites à olivine). En Allemagne, entre autres, à Zähringen, Attental, Uhlberg et Reutebach, en Forêt Noire. Toutes ces roches forment des intrusions, filons ou necks, dans les roches encaissantes.

Carte des centres volcaniques du Sud du fossé rhénan

Figure 11. Carte des centres volcaniques du Sud du fossé rhénan

En rouge sont représentés les divers centres éruptifs. La profondeur du Moho est aussi indiquée.


À consulter : SIG et fossé rhénan sur eduterre-usages.