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Article | 10/06/2016

De Roya au col de Crousette : randonnée géologique dans l'arrière-pays calcaire des Alpes-Maritimes

10/06/2016

Thibault Lorin

Agrégé SV-STU, ENS de Lyon

Hugo Doré

Agrégé SV-STU, ENS de Lyon

Théophile Grébert

ENS de Lyon

Félix Lallemand

Agrégé SV-STU, ENS de Lyon

Vincent Plaforêt

ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Cargneule, redoublement d'une barre de calcaire tithonien liée à un chevauchement, verrou, karst et lapiez, fentes de tension et stylolithes, cupules de dissolution, dissolution différentielle calcite / silice... en une journée de randonnée dans le Parc national du Mercantour.


Itinéraire de la randonnée

Nichées dans le Sud-Ouest de la France, les Alpes-Maritimes sont un département français particulièrement riche pour les amateurs de nature et de montagne. Ce département contient (avec le département des Alpes-de-Haute-Provence) le parc national du Mercantour, aux curiosités géologiques nombreuses et variées, dont un volcanisme particulier décrit dans Un volcanisme français ignoré voire "interdit" : le volcanisme andésitique oligocène de la plaque européenne des Alpes franco-suisses. Le lecteur intéressé est par ailleurs invité à se procurer le Guide Géologique du Parc National du Mercantour (éditions BRGM), richement illustré et très pédagogique. S'inspirant largement du chapitre 8 de ce guide, cet article vous propose de faire quelques belles observations géologiques au milieu des reliefs calcaires des Alpes externes méridionales.

L'itinéraire part du hameau de Roya (1480 m, commune de Saint-Étienne-de-Tinée, accessible en voiture) et se termine au col de Crousette (2480 m). Il suit en grande partie le GR5 et la plupart des observations peuvent être réalisées sans sortir des sentiers. Néanmoins, le dénivelé important requiert une certaine habitude de la randonnée et le nécessaire pour une excursion à la journée (prévoir 5-6 heures de marche aller-retour sans les pauses).

Itinéraire Roya - col de Crousette (Alpes-Maritimes) sur fond d'image satellite

Itinéraire Roya - col de Crousette (Alpes-Maritimes) sur fond géologique

Figure 4. Itinéraire Roya - col de Crousette (Alpes-Maritimes) sur fond géologique

Vue depuis le Sud

Les auteurs de la carte au 1/50 000 ont figuré les éboulis, ce qui est capital pour tout ce qui concerne l'aménagement de la montagne, mais nuit à la lecture simple de la géologie locale. Pour avoir une vision globale simplifiée de cette géologie locale, on peut consulter la carte géologique au 1/250 000 (voir plus bas).


Itinéraire Roya - col de Crousette (Alpes-Maritimes) sur fond d'image satellite

Itinéraire Roya - col de Crousette (Alpes-Maritimes) sur fond géologique

Figure 6. Itinéraire Roya - col de Crousette (Alpes-Maritimes) sur fond géologique

Vue depuis le Nord.

Les auteurs de la carte au 1/50 000 ont figuré les éboulis, ce qui est capital pour tout ce qui concerne l'aménagement de la montagne, mais nuit à la lecture simple de la géologie locale. Pour avoir une vision globale simplifiée de cette géologie locale, on peut consulter la carte géologique au 1/250 000 (voir ci-dessous).


Bilan sur les unités morphologiques et géologiques observées le long de l'itinéraire

Figure 7. Bilan sur les unités morphologiques et géologiques observées le long de l'itinéraire

Vue depuis le Nord. Bilan sur les différentes structures abordées dans le présent article. La comparaison avec la carte géologique permet d'observer que le karst de Crousette est essentiellement dans des terrains j9 (calcaire tithonien, Jurassique) et que le vallon de Sallevieille est dans les marnes kimméridgiennes (j3-8) et antérieures (jusqu'au Trias supérieur – Keuper t3). Les barres de Roya sont elles aussi en calcaire tithonien et encadrent le verrou de Sallevieille.


Géologie régionale... sans éboulis

Figure 8. Géologie régionale... sans éboulis

Sur cet extrait de la carte géologique au 1/250 000, Roya (rond rouge) et le col de Crousette (étoile jaune) sont répérés.

On remarque, entre autres, le chevauchement qui explique le dédoublement de la barre de calcaire tithonien.


De Roya au cirque de Sallevieille

Les piliers de l'église de Roya

À Roya, les piliers de l'église sont constitués de cargneule triasique (trouvée à l'affleurement dans la vallée de Roya) et permettent, avant même de commencer la montée, de réaliser une observation géologique et patrimoniale intéressante.

La cargneule, une roche sédimentaire dont la fraction dolomitique a été dissoute

"Cargneule" (cf. par exemple, Gypse et chevauchement des schistes lustrés) est un nom générique donné à une roche sédimentaire carbonatée "calcaro-dolomitique" dont la fraction dolomitique a été dissoute. La roche-mère d'une cargneule contient une majorité de carbonate de calcium CaCO3 (calcaire) et une minorité de carbonate de magnésium CaMg(CO3)2 (dolomie). Lors de la circulation de fluides sulfatés (à Roya, issus de l'altération du gypse triasique alpin alentour), la fraction dolomitique est préférentiellement dissoute et il ne reste que la fraction calcaire de la roche. Cette "cargneulisation" est grandement favorisée quand les niveaux calcaro-dolomitico-évaporitiques du Trias supérieur alpin ont servi de semelle de décollement pour les nappes alpines.

C'est un peu un équivalent morphologique de la meulière caverneuse du bassin parisien, sauf que dans une meulière, la fraction siliceuse est restée et la fraction carbonatée a été dissoute, et que la tectonique n'est pour rien dans cette dissolution !

Piliers avec cargneule de l'église de Roya, commune de Saint-Etienne-de-Tinée (Alpes-Maritimes)

Figure 9. Piliers avec cargneule de l'église de Roya, commune de Saint-Etienne-de-Tinée (Alpes-Maritimes)

La cargneule peut être trouvée à l'affleurement dans la vallée, dans les niveaux triasiques.


Cargneule sur les piliers de l'église de Roya, Saint-Étienne-de-Tinée

Figure 10. Cargneule sur les piliers de l'église de Roya, Saint-Étienne-de-Tinée

La cargneule peut être trouvée à l'affleurement dans la vallée, dans les niveaux triasiques.


Zoom sur la cargneule des piliers de l'église de Roya, Saint-Étienne-de-Tinée

Figure 11. Zoom sur la cargneule des piliers de l'église de Roya, Saint-Étienne-de-Tinée

La cargneule peut être trouvée à l'affleurement dans la vallée, dans les niveaux triasiques.


Les barres de Roya et le verrou de Sallevieille

Le début de la montée s'effectue le long du vallon de Sallevieille en direction des barres de Roya. Ces barres, en calcaire massif tithonien, encadrent le verrou de Sallevieille. Ce verrou est un verrou d'origine sédimentaire, et n'est donc pas un verrou de géomorphologie glaciaire (à l'inverse de celui rapidement aperçu à la fin de l'excursion sur le Rossberg (massif des Vosges))).

Les barres de Roya, vues depuis le Nord

Figure 12. Les barres de Roya, vues depuis le Nord

Les deux barres forment un V tourné vers l'amont. Le "verrou de Sallevieille" est la zone située en contrebas du V. Le village de Roya, au fond de la vallée, n'est pas visible.


Le sentier franchit les barres de Roya à l'intersection des deux "branches" du V. À leur niveau, et selon la saison, il est possible d'observer des cascades issues des eaux qui ruissellent dans les marnes au-dessus. En effet, les eaux qui ruissellent au sein des marnes du cirque de Sallevieille entaillent le calcaire en formant un magnifique "V". Le V est tourné vers l'amont en raison du pendage vers le Sud de la couche tithonienne (voir figure 7, vue ci-dessus et coupe géologique plus loin).

Au sommet des barres de calcaire tithonien de Roya

Figure 13. Au sommet des barres de calcaire tithonien de Roya

L'itinéraire franchit les barres de Roya à l'intersection des deux "branches" du V, après un sentier dans la forêt du verrou de Sallevieille.


Au sommet des barres de calcaire tithonien de Roya

Figure 14. Au sommet des barres de calcaire tithonien de Roya

D'impétueuses cascades renforcent le côté sauvage du lieu et emplissent la vallée du « bruit blanc de l'eau ».


En amont des barres de Roya

Figure 15. En amont des barres de Roya

Le ru observé est celui du fond du vallon de Sallevieille. Au loin, la montagne de Las Donnas.


S'il est vrai que le lieu est superbe, il permet également (ce n'est heureusement pas incompatible !) de réaliser une observation géologique commune en pays calcaire mais rarement visible à l'échelle de toute une falaise : le découpage des strates en blocs "cubiques".

La formation des blocs est due à une double fracturation, horizontale (due à la stratification) et verticale. Ces zones de faiblesse sont ensuite creusées par le ruissellement des eaux, et les blocs se déchaussent sous l'action combinée de l'altération, de l'érosion et de la gravité. Il est fort possible que lors d'une prochaine visite, les blocs aujourd'hui en surface fassent partie des éboulis en contrebas !

Débit en blocs cubiques sur les falaises des barres calcaires de Roya

Figure 16. Débit en blocs cubiques sur les falaises des barres calcaires de Roya

La roche est fragilisée à la fois au niveau des joints horizontaux (marquant la stratification) et des joints verticaux, induisant la formation de blocs décacentimétriques à métriques. L'action combinée de l'altération, de l'érosion et de la gravité entraine le déchaussement de ces blocs tithoniens (dont certains sont sur le point de tomber). Les conifères donnent l'échelle.


Débit en blocs cubiques sur les falaises des barres calcaires de Roya

Figure 17. Débit en blocs cubiques sur les falaises des barres calcaires de Roya

La roche est fragilisée à la fois au niveau des joints horizontaux (marquant la stratification) et des joints verticaux, induisant la formation de blocs décacentimétriques à métriques. L'action combinée de l'altération, de l'érosion et de la gravité entraine le déchaussement de ces blocs tithoniens (dont certains sont sur le point de tomber). Les conifères donnent l'échelle.


Le cirque de Sallevieille et le karst de Crousette

Le cirque de Sallevieille

Constitué essentiellement de marnes kimméridgiennes et d'éboulis des falaises, le cirque de Sallevieille est un vaste alpage où paissent les brebis en été. L'aridité est marquée et laisse peu d'eau disponible à la végétation... que les brebis achèvent de rendre rase ! Les falaises de calcaire massif tithonien font plusieurs dizaines de mètres de hauteur par endroits.

Le cirque de Sallevieille, vu depuis l'Est

Figure 18. Le cirque de Sallevieille, vu depuis l'Est

La falaise sur la gauche est la falaise de calcaire tithonien. En contrebas, des éboulis et des marnes kimméridgiennes. La prise de vue fait face à l'Ouest.


Le cirque de Sallevieille, vu depuis l'Est

Figure 19. Le cirque de Sallevieille, vu depuis l'Est

La falaise sur la gauche est la falaise de calcaire tithonien. En contrebas, des éboulis et des marnes kimméridgiennes. La prise de vue fait face à l'Ouest.


Ainsi, les barres de Roya tout comme les falaises du cirque de Sallevieille sont toutes en calcaire massif tithonien (Jurassique supérieur). Pourtant, les premières sont plusieurs centaines de mètres en dessous des secondes ! Cela est dû à la présence d'un chevauchement (d'orientation environ Est/Ouest et de pendage Sud) qui traverse le cirque de Sallevieille (figures ci-dessous).

Profil géologique de l'itinéraire (orientation Sud-Sud-Est / Nord-Nord-Ouest)

Figure 20. Profil géologique de l'itinéraire (orientation Sud-Sud-Est / Nord-Nord-Ouest)

Le profil géologique, réalisé "à main levée" à partir de la carte géologique 1/50 000 de Saint-Étienne-de-Tinée, indique la présence d'un chevauchement au milieu du cirque de Sallevieille. La présence de celui-ci explique pourquoi les barres de Roya ainsi que les falaises du cirque sont constituées de calcaire de même âge.


Schéma géologique du paysage sur l'itinéraire Roya - col de Crousette

Figure 21. Schéma géologique du paysage sur l'itinéraire Roya - col de Crousette

Le chevauchement (en orange) n'est visible à l'affleurement que dans sa partie Ouest. Sa présence permet de comprendre pourquoi les deux barres calcaires sont toutes deux constituées de calcaire tithonien (bleu), malgré les quelques centaines de mètres de hauteur les séparant. L'itinéraire (rouge) est indiqué.


On note cependant la présence, au sein des éboulis, de conifères bien plus hauts que la végétation alentour, quasi-inexistante (au pied de la falaise, voir les vues du cirque ci-dessus). Par ailleurs, juste en contrebas de ceux-ci, il est possible d'observer un mince filet d'eau. Cela indique que les arbres sont au niveau d'une résurgence : l'eau du plateau calcaire au-dessus de la falaise s'infiltre et ressort à ce niveau-là (figures ci-dessous). Les résurgences en aval sont ici l'un des premiers témoins de l'arrivée dans un modelé karstique, le karst de Crousette.

Nota bene

Les photos ont été réalisées au mois de juillet, mais nul doute qu'une visite plus tôt après la fonte des neiges permettrait d'observer un ruisseau au débit plus important !

Résurgence des eaux du karst de Crousette dans les marnes kimméridgiennes

Figure 22. Résurgence des eaux du karst de Crousette dans les marnes kimméridgiennes

Les eaux traversent le karst en amont et ressortent de manière localisée au niveau d'une résurgence. À ce niveau, l'eau est plus disponible, ce qui favorise le développement des conifères.


Résurgence des eaux du karst de Crousette dans les marnes kimméridgiennes

Figure 23. Résurgence des eaux du karst de Crousette dans les marnes kimméridgiennes

Interprétation de l'image précédente.

Les eaux traversent le karst en amont et ressortent de manière localisée au niveau d'une résurgence (flèche). A ce niveau, l'eau est plus disponible, ce qui favorise le développement des conifères. En pointillés : eau non visible en surface ; ligne pleine : filet d'eau visible en surface.


Le karst de Crousette

Si la montée jusqu'au karst se révèle être assez ardue, le plus dur est fait ! En effet, une fois sur le plateau karstique, le relief est assez peu contrasté et seule l'arrivée du brouillard pourrait gêner les observations (et rendre dangereuse la séance).

Le relief karstique a déjà été décrit a plusieurs reprises sur Planet-Terre (cf., par exemple, Un exemple de petit lapiaz : le lapiaz de Loulle (Jura), Le lapiaz de la Pierre Saint Martin (Pyrénées Atlantiques), l'un des plus grands lapiaz de France, Lapiaz à proximité de La Clusaz (73), Le bois de Païolive (Ardèche), un exemple de méga-lapiaz dolomitique, Le karst des Burren (Irlande), Structures rencontrées dans un karst, Karst et érosion karstique) et cet article ne se veut être une redite. Cependant, le karst de Crousette est un karst jeune qui offre l'opportunité d'observer facilement des pertes, la formation plus ou moins avancée de lapiez, ainsi que d'autres curiosités géologiques de pays calcaire.

Les pertes

Perte et résurgence et exsurgence

Il existe deux types de sorties d'eau en aval d'un karst : les exsurgences et les résurgences. Une résurgence correspond à une sortie des eaux quand, en amont, il est possible de trouver une (des) perte(s), c'est-à-dire une (des) zone(s) où un (des) cours d'eau s'infiltre(nt) de manière localisée (en relief karstique, ce sont des "trous" dans lesquels l'eau "disparait"). Une exsurgence correspond à une sortie résultant de la collecte de multiples infiltrations diffuses à travers lapiez et/ou dolines, sans qu'il existe, en amont, de cours d'eau bien identifiable s'étant "perdu" dans des pertes.

Une fois la falaise franchie, on arrive sur le "toit" de la couche de calcaire tithonien, où il est possible d'observer des pertes. Si les photos de pertes ne sont pas très spectaculaires, leur observation in situ est pourtant saisissante : l'eau disparaît sous terre !

Pertes en amont de la falaise de calcaire tithonien, karst de Crousette

Figure 24. Pertes en amont de la falaise de calcaire tithonien, karst de Crousette

Les cours d'eau n'arrivent pas jusqu'à la falaise tithonienne où ils pourraient constituer des cascades, mais s'infiltrent avant, au niveau de trous appelés "pertes". Ils sont ensuite susceptibles de ressortir au pied de la falaise au niveau de résurgences.


Pertes en amont de la falaise de calcaire tithonien, karst de Crousette

Figure 25. Pertes en amont de la falaise de calcaire tithonien, karst de Crousette

Les cours d'eau n'arrivent pas jusqu'à la falaise tithonienne où ils pourraient constituer des cascades, mais s'infiltrent avant, au niveau de trous appelés "pertes" (flèche). Ils sont ensuite susceptibles de ressortir au pied de la falaise au niveau de résurgences.


Pertes en amont de la falaise de calcaire tithonien, karst de Crousette

Figure 26. Pertes en amont de la falaise de calcaire tithonien, karst de Crousette

Les deux mêmes pertes que ci-dessus, vues de l'amont par rapport à la figure précédente. Les cours d'eau se dirigent vers les falaises mais s'infiltrent avant !


Pertes en amont de la falaise de calcaire tithonien, karst de Crousette

Figure 27. Pertes en amont de la falaise de calcaire tithonien, karst de Crousette

Les deux mêmes pertes (flèches) que ci-dessus, vues de l'amont par rapport à la figure précédente. Les cours d'eau se dirigent vers les falaises mais s'infiltrent avant !


Les lapiez (ou lapiaz)

Rappel sur la formation des lapiez

En pays calcaire, les morphologies superficielles les plus spectaculaires des karsts sont souvent des lapiaz (aussi appelés lapiés, lapiez, lapiès ou karren). Il s'agit de surfaces calcaires parcourues de "rigoles de dissolution" plus ou moins marquées. Ces rigoles apparaissent soit à partir des diaclases initialement présentes dans la roche, progressivement élargies par l'action des eaux de ruissellement chargées de CO2, soit le long de la ligne de plus grande pente par simple dissolution, sans qu'il y ait besoin de fissure initiale. Le dioxyde de carbone dissous dans ces eaux de ruissellement (eaux de pluie ou de la fonte des neiges) provient un peu du CO2 atmosphérique. Mais comme souvent les fractures et rigoles sont tapissées de voiles bactériens, de concentrations de cyanobactéries et même remplies d'humus abritant végétaux et champignons, et c'est surtout la respiration de ces êtres vivants (bactéries, champignons, racines des végétaux…) qui produit le CO2, CO2 que ces organismes ont eux-mêmes directement ou indirectement extrait de l'atmosphère par la photosynthèse.

La dissolution des carbonates par les eaux chargées de CO2 peut s'écrire : CO2 + H2O + CaCO3 → 2 HCO3- + Ca2+. C'est la réaction inverse de ce qui se passe dans les grottes riches en stalactites, stalagmites et autres concrétions.

(D'après Le lapiaz de la Pierre Saint Martin (Pyrénées Atlantiques), l'un des plus grands lapiaz de France)

Le karst de Crousette (que certains auteurs qualifient de "juvénile"), s'il n'est ni le plus grand ni le plus spectaculaire des lapiez, est intéressant car il permet d'observer différentes structures caractéristiques d'un lapiez sur une surface de quelques centaines de mètres carrés (sa surface totale étant d'environ 1 km2). Par ordre de "creusement" nous verrons ci dessous :

  • des cupules de dissolution nivales, structures quasi-ponctuelles plus ou moins profondes,
  • des rigoles (peu profondes) ou des crevasses (plus profondes), structures linéaires.
Cupules de dissolution nivale

Figure 28. Cupules de dissolution nivale

L'eau s'accumule au niveau de petites anfractuosités. Sa faible température (fonte des neiges) la rend riche en gaz carbonique et favorise la dissolution du calcaire, avec des stades plus ou moins avancés. Quand la dissolution devient assez importante, des particules peuvent s'y accumuler et des végétaux s'y installer. Les racines des végataux libérant du CO2, la dissolution est d'autant plus efficace et le trou devient de plus en plus profond.

Le couteau donne l'échelle.


Cupule de dissolution nivale

Figure 29. Cupule de dissolution nivale

L'eau s'accumule au niveau de petites anfractuosités. Sa faible température (fonte des neiges) la rend riche en gaz carbonique et favorise la dissolution du calcaire, avec des stades plus ou moins avancés. Quand la dissolution devient assez importante, des particules peuvent s'y accumuler et des végétaux s'y installer. Les racines des végataux libérant du CO2, la dissolution est d'autant plus efficace et le trou devient de plus en plus profond.

Le couteau donne l'échelle.


Cupule de dissolution nivale

Figure 30. Cupule de dissolution nivale

L'eau s'accumule au niveau de petites anfractuosités. Sa faible température (fonte des neiges) la rend riche en gaz carbonique et favorise la dissolution du calcaire, avec des stades plus ou moins avancés. Quand la dissolution devient assez importante, des particules peuvent s'y accumuler et des végétaux s'y installer. Les racines des végataux libérant du CO2, la dissolution est d'autant plus efficace et le trou devient de plus en plus profond.

Le couteau donne l'échelle.


Cupule de dissolution nivale

Figure 31. Cupule de dissolution nivale

L'eau s'accumule au niveau de petites anfractuosités. Sa faible température (fonte des neiges) la rend riche en gaz carbonique et favorise la dissolution du calcaire, avec des stades plus ou moins avancés. Quand la dissolution devient assez importante, des particules peuvent s'y accumuler et des végétaux s'y installer. Les racines des végataux libérant du CO2, la dissolution est d'autant plus efficace et le trou devient de plus en plus profond.

Le couteau donne l'échelle.


Rigoles de dissolution

Figure 32. Rigoles de dissolution

Le ruissellement de l'eau induit la formation de rigoles de dissolution en "chevron". Leur formation peut être expliquée par une double anisotropie pré-existante du calcaire (double réseau de fractures, par exemple) qui canalise l'eau au niveau des anisotropies. Le ruissellement exacerbe ensuite le creusement des rigoles. Le couteau donne l'échelle.


Rigoles de dissolution

Figure 33. Rigoles de dissolution

Le ruissellement de l'eau induit la formation de rigoles de dissolution en "chevron". Leur formation peut être expliquée par une double anisotropie pré-existante du calcaire (double réseau de fractures, par exemple) qui canalise l'eau au niveau des anisotropies. Le ruissellement exacerbe ensuite le creusement des rigoles. Le couteau donne l'échelle.


Rigoles de dissolution

Figure 34. Rigoles de dissolution

Le ruissellement de l'eau induit la formation de rigoles de dissolution en "chevron". Leur formation peut être expliquée par une double anisotropie pré-existante du calcaire (double réseau de fractures, par exemple) qui canalise l'eau au niveau des anisotropies. Le ruissellement exacerbe ensuite le creusement des rigoles. Le couteau donne l'échelle.


Stade intermédiaire entre rigole et crevasse

Figure 35. Stade intermédiaire entre rigole et crevasse

L'état de dissolution est plus avancé. On voit qu'il y a 2 directions dominantes de rigoles / crevases, reflétant sans doute l'existence d'un double réseau de fractures. Le couteau donne l'échelle.


Crevasses de dissolution, karst de Crousette

Figure 36. Crevasses de dissolution, karst de Crousette

L'état de dissolution est encore plus avancé, et le lapiez devient alors assez dangereux. Les directions non-aléatoires des crevasses suggère qu'à cette échelle, aussi, un réseau de fractures orientées par la tectonique a été utilisé. Le géologue et le chapeau donnent l'échelle.


Crevasses de dissolution, karst de Crousette

Figure 37. Crevasses de dissolution, karst de Crousette

L'état de dissolution est encore plus avancé, et le lapiez devient alors assez dangereux. Le chapeau donne l'échelle.


Il est par ailleurs également possible d'observer des lapiez en pointes, structures acérées se formant lorsque la densité de fracturation est élevée.

Lapiez en pointes, karst de Crousette (Alpes-Maritimes)

Figure 38. Lapiez en pointes, karst de Crousette (Alpes-Maritimes)

Ces lapiez, très coupants, se forment lorsque la densité de fracturation/dissolution est très élevée. Les lunettes de soleil (au centre) et les végétaux donnent l'échelle.


Lapiez en pointes, karst de Crousette (Alpes-Maritimes)

Figure 39. Lapiez en pointes, karst de Crousette (Alpes-Maritimes)

Ces lapiez, très coupants, se forment lorsque la densité de fracturation/dissolution est très élevée. Le géologue et les végétaux donnent l'échelle.


Curiosités géologiques en pays calcaire

Enfin, le karst de Crousette permet d'observer des "curiosités", courantes en pays calcaire, mais ici concentrées et facilement accessibles.

Niveaux de silice en relief

Presque tous les calcaires contiennent une fraction plus ou moins grande de silice qui peut s'accumuler en nodules lors de phénomènes de diagenèse (cf., par exemple, La Madone des oursins et des silex, cité souterraine de Naours, Somme). La silice étant moins facilement dissoute que le calcaire par les eaux de lessivage (cf. la meulière caverneuse), les niveaux de silice se retrouvent en relief par rapport au calcaire alentour, produisant des petites "marches", voire des mini-cheminées de fée, du plus bel effet.

Niveaux de silice en relief

Figure 40. Niveaux de silice en relief

La silice, moins altérable/soluble que le calcaire alentour, apparaît en relief, produisant des "petites marches", parfois pluricentimétriques.

Le couteau donne l'échelle.


Niveaux de silice en relief

Figure 41. Niveaux de silice en relief

La silice, moins altérable/soluble que le calcaire alentour, apparaît en relief, produisant des "petites marches", parfois pluricentimétriques.

Le couteau donne l'échelle.


Niveaux de silice en relief

Figure 42. Niveaux de silice en relief

La silice, moins altérable/soluble que le calcaire alentour, apparaît en relief, produisant des "petites marches", parfois pluricentimétriques.

Le couteau donne l'échelle.


Niveaux de silice en relief

Figure 43. Niveaux de silice en relief

La silice, moins altérable/soluble que le calcaire alentour, apparaît en relief, produisant des "petites marches", parfois pluricentimétriques.

Le couteau donne l'échelle.


Niveaux de silice en relief et vitesse d'ablation du massif

La mesure de la hauteur moyenne des niveaux de silice (environ 5 cm) a permis d'estimer la vitesse d'ablation du massif depuis le retrait des glaciers à la fin du dernier âge glaciaire, il y a environ 12.000 ans. Cela correspond donc environ à une vitesse d'ablation de 4 mm/millénaire. Les mêmes mesures, effectuées sur des karsts des Alpes plus au nord (Vercors, Chartreuse notamment), ont montré que ces derniers avaient une vitesse d'ablation 3 à 5 fois plus grande, en partie du fait de leur pluviométrie plus élevée et de la végétation plus abondante.

Fentes de tension et veines de calcite en relief

Le calcaire est constitué principalement de carbonate de calcium, CaCO3. Celui-ci est majoritairement sous forme crypto-cristalline, et sa forme macro-cristalline, la calcite, est plus résistante à l'altération, ce qui se traduit par la présence de veines blanches de calcite en relief sur les dalles calcaires. Il est même parfois possible d'observer des fentes de tension calcitisées en relief (ainsi que des joints stylolithiques associés) !

Veines de calcite en relief

Figure 44. Veines de calcite en relief

La calcite, l'une des formes cristallines du carbonate de calcium, CaCO3, est moins altérable que la matrice calcaire (forme amorphe et/ou crypto-cristalline) et apparaît en relief sur les dalles calcaires

Le couteau donne l'échelle.


Veines de calcite en relief

Figure 45. Veines de calcite en relief

La calcite, l'une des formes cristallines du carbonate de calcium, CaCO3, est moins altérable que la matrice calcaire (forme amorphe et/ou crypto-cristalline) et apparaît en relief sur les dalles calcaires

Le couteau donne l'échelle.


Fentes de tension en relief

Figure 46. Fentes de tension en relief

Si des contraintes au sein du calcaire ont fait apparaître des fentes de tension (dans lesquelles la calcite recristallise), l'altération différentielle les fera apparaître en relief.

Le couteau donne l'échelle.


Fentes de tension en relief

Figure 47. Fentes de tension en relief

Si des contraintes au sein du calcaire ont fait apparaître des fentes de tension (dans lesquelles la calcite recristallise), l'altération différentielle les fera apparaître en relief.

Le couteau donne l'échelle.


Interprétation tectonique de la dalle calcaire à fentes de tension et joints stylolithiques

Figure 48. Interprétation tectonique de la dalle calcaire à fentes de tension et joints stylolithiques

Les contraintes peuvent être représentées. La contrainte maximale, σ1, est en orange, et la contrainte minimale, σ3, en bleu. C'est l'orientation des multiples fentes de tension, ici "en échelon", qui permet la détermination des axes des contraintes. L'échelon aurait pu "dégénérer" en décrochement, ici dextre, si la déformation avait été plus importante. La direction de ce décrochement "potentiel" fait un angle de 40° par rapport à σ1 (et de 50° par rapport à σ3)... comme dans les livres de tectonique.

On note par ailleurs sur cette dalle la présence de joints stylolithiques, plus ou moins perpendiculaires à la contrainte maximale et dont la direction des pics est parallèle à σ1.


Fentes de tension témoignant d'un début de composante décrochante dextre

Figure 49. Fentes de tension témoignant d'un début de composante décrochante dextre

L'analyse plus détaillée des fentes de tension en échelon montre que certaines forment des sigmoïdes (sans perte de continuité), témoignant d'une composante décrochante (ici, décrochement dextre). Qui sait, peut-être que quelques centaines de milliers d'années en plus sous un régime compressif auraient suffi à "casser" les fentes, et engendrer un vrai décrochement !


Détail sur les joints stylolithiques

Figure 50. Détail sur les joints stylolithiques

Les joints stylolithiques sont des marqueurs tectoniques souvent associés aux fentes de tension. Chaque joint est constitué d'une multitude de "pics stylolithiques" parallèles à σ1 et le joint est globalement perpendiculaire à cette contrainte maximale.


Détail sur les joints stylolithiques, photographie interprétée

Figure 51. Détail sur les joints stylolithiques, photographie interprétée

Les joints stylolithiques sont des marqueurs tectoniques souvent associés aux fentes de tension. Chaque joint est constitué d'une multitude de "pics stylolithiques" parallèles à σ1 et le joint est globalement perpendiculaire à cette contrainte maximale.


Conclusion

L'itinéraire de randonnée depuis le hameau de Roya jusqu'au col de Crousette est donc truffé de petites curiosités géologiques, que le randonneur averti (et bien renseigné) ne manquera pas d'apprécier, en complément de la beauté du lieu. De manière plus générale, les Alpes-Maritimes, que l'on peut découvrir à loisir en voiture, en vélo ou en empruntant les sentiers de randonnée (ici le GR5), comptent également en leur sein de nombreuses autres curiosités, dont la "Vallée des Merveilles" et autres particularités géologiques et préhistoriques... Avis aux amateurs !

Bibliographie

Ouvrage collectif, juin 2013. [Guide Géologique du Parc National du Mercantour], éd. BRGM, 240p., ISBN 978-2-7159-2551-9